Je me rends compte que je publie mes images mais que parfois j’en oublie de vous partager ces coulisses de séances. On ne s’imagine pas en effet que face à des images finales il en résulte des efforts parfois dingues, des prouesses et défis savamment relevés pour que tout se passe pour le mieux. Une séance photo artistique qui a le don de réunir le cheval de trait et en plus des endroits fous comme la cave à vin de la Cité du Vin de Bordeaux : c’est irréaliste. Et pourtant on l’a fait. Faire entrer un cheval Percheron dans la cave à vin du Latitude 20 ? Fait ! Vous aviez pu découvrir la séance sur le miroir d’eau de Bordeaux mais cette séance était en partie de la rigolade à côté de celle-ci. Non je plaisante, tout du moins tout aussi ardue !
Un projet de séance photo assez inhabituel
Lorsque j’ai commencé à évoquer le projet « Trait de Vigne », la première chose que je souhaitais trouver ce sont des lieux exceptionnels. Non pas pour faire le buzz mais bien pour l’approche esthétique et la liaison avec le milieu viticole. J’avais repéré cette cave assez atypique et très particulière, le Latitude 20: circulaire, monumentale avec ses murs de bouteilles de vins issues du monde entier. Un plafond miroir qui reflète l’architecture et le rendu si particulier.
J’en discute alors avec Thibaut, créateur du site cheval et vignes et aussi un photographe passionné qui m’a accompagné pour la partie backstage du projet. Il nous introduit alors auprès de l’équipe en charge de ce lieu. Rendez-vous est pris pour présenter le projet, l’idée de séance. Juliette Bouetz, responsable communication pour Cheval des Vignes s’est donc rendu sur place pour rencontrer l’équipe et présenter mon idée un peu dingue : faire entrer un cheval de trait percheron dans leur cave à vin pour une séance photo.
Toute l’équipe a accueilli chaleureusement l’idée. Restait ensuite à étudier la faisabilité : comment et où rentrer, avoir des passages assez larges et surtout voir si les 800kg de percheron pourraient loger dans un espace aussi restreint. Car la faille est là : la cave est circulaire, au milieu de ce cercle un comptoir central présente à la fois les bouteilles et permet l’encaissement des produits achetés par le visiteur. Le couloir qui gravite autour est ponctué de piliers de soutènement, sans oublier la largeur totale qui n’est pas incroyable… pour un cheval…
Comprendre que l’équation se présente ainsi :
- Un cheval de trait de 800kg donc animal large, haut et lourd
- Un couloir de circulation en cercle
- Présence de poteaux potentiellement gênant
- Un espace confiné
- Recul quasi inexistant
- Présence de nombreuses bouteilles en accès direct (risque de choc ou bousculade, coup de queue etc)
- Multiples sources de réflexions (reflets/miroirs/
Mais la séance photo semble réalisable. Pas simple du tout mais réalisable. C’est là que l’alliance du photographe équestre et des meneurs professionnels prend aussi tout son sens : apporter une expertise dans chaque domaine. Juliette, accompagnée de Sébastien Bouetz, créateur de Cheval des Vignes et meneur, ont pu évaluer l’aspect sécurité et réalisation pour la partie « cheval » tout en réalisant une reconnaissance photo du lieu pour que je puisse avoir une idée de la configuration vue « autrement » que par une vision plus « classique ».
Comment étudier la scène pour réaliser la séance photo sans risques ?
Avec Bordeaux à 1h30 de chez moi, un accès de la Cité du Vin complexe dû à la circulation et l’affluence du public, sans oublier mes activités commerciales je ne pouvais pas m’y rendre. J’ai donc préparé ma séance grâce au repérage photo archi complet réalisé par Juliette, et aux vidéos Youtube (de créateurs, de photographes etc).
Mais même en me rendant sur place c’est très complexe d’imaginer le cadrage photo possible et exact d’un cheval de trait dans cet espace et de jauger ce qu’il en sera le jour J. Même en essayant d’anticiper pas sûr d’avoir une réelle idée de la place disponible. On a une vague impression mais en réalité c’est autre chose.
Le cheval est un animal très complexe, avec des émotions, un comportement parfois imprévisible même s’il est posé, habitué etc. On ne peut anticiper l’impossible ou la surprise : éclairage, confinement, réflexions des surfaces, bruits. Il est « long et large » et sa tête et son encolure ne restent pas forcément dans l’axe. Donc préparer des mises en scène type à l’avance reste inutile.
De plus le lieu est un espace qui demande un minimum de précautions pour ne rien abimer, ne pas causer de dégâts. C’est donc un exercice qui ne doit pas s’improviser.
Dans notre cas de figure j’ai œuvré avec des équipes de meneurs professionnels et des chevaux habitués à des contraintes et des conditions de travail qui permettent de voir cette séance comme réalisable et cohérente. On sait par avance les comportements et quel cheval sera le mieux placé pour affronter cet exercice sans risque de stress ni anxiété.
On ne doit surtout pas s’imaginer que c’est réalisable avec n’importe quel cavalier, n’importe quel cheval même gentil surtout en zone urbaine, encore pire en zone urbaine ET en espace intérieur. L’anticipation et la maitrise sont des facteurs primordiaux. Le fait de travailler en lien avec des professionnels inclue aussi la notion d’assurance règlementaire et de protection en cas de dégât potentiel, sans oublier la maitrise et la connaissance du cheval, l’anticipation et la réactivité en cas de soucis.
Hors de question de faire ça avec des cavaliers occasionnels qui viennent travailler avec leur chevaux 1 fois dans la semaine. Cheval des Vignes c’est une équipe de meneurs spécialisés et expérimentés.
Pour la partie technique photo j’avais déjà débuté le travail en m’imposant une contrainte assez opposée aux habitudes des photographes équins : travailler avec une focale très courte : entre 24 et 40-50 mm. Ici les 24 mm allaient même se révéler juste. J’ai donc dû emprunter un objectif Ultra Grand Angle pour le cas où (14-24) mais son usage en photo équine reste extrêmement difficile.
Ensuite je savais que j’aurais des grosses difficultés : la réflexion des matières : plafond miroir, bouteilles en verre, revêtement des meubles très lisse donc avec une forte réflexion avec les éclairs du flash. Et malgré les règles de la physique appliquée à l’éclairage et aux reflets ça ne s’annonçait pas vraiment facile.
Pour couronner le tout : la limitation drastique en terme de place pour installer mes lumières. Impossible d’imaginer 50 setup possible. Et hors de question de me reposer sur du « je retoucherais en post production ». A mes yeux la photo se doit d’être pensée et réalisée dès le départ sur place et pas en bidouillant.
Jour J : des chevaux percherons à la cité du vin de Bordeaux
Ce weekend-là fut sportif : le samedi shoot au Château Smith Haut Laffitte avec les équipes du Maine L&J, et le lendemain : La Cité du Vin et sa cave à vin. Donc de bonne heure et de bonne humeur nous voilà dans un Bordeaux endimanché, désert et au lever du soleil. Il faut en effet travailler avant l’ouverture au public donc pas le temps de trainer.
C’est assez anachronique de voir ces chevaux de trait se promener en ville à ras des immeubles et des colonnes de béton Bordelaises. Mes premiers repérages et essais rapides m’annoncent la couleur : ça va être très dur de shooter. L’espace est en effet très limité, j’aurais peu de possibilités en terme de mise en scène, je dois me plier en quatre, plaqué au mur et je suis très limité en terme d’angles possibles. L’usage du flash se révèle être comme prévu un casse-tête. Mais de toute manière on est là…
Première entrée, premiers essais. Les chevaux arrivent un par un chacun son tour. On facilite ainsi des séance courtes pour chacun et limiter le stress. Je me contorsionne, je teste, j’essaie je rate, je recommence. L’exercice est très très difficile. Il me faut trouver l’équilibre entre la lumière des flashs et la scène, il faut que je puisse inclure au maximum de décor sans déformer les volumes imposant du cheval. Ici son volume est décuplé. Je dois pouvoir cadrer sans inclure trop d’éléments perturbateurs (entrées, guichet, pancartes).
On pourrait comparer le cheval à…. un éléphant dans un magasin de porcelaine. Toutes ces bouteilles autour de lui c’est anxiogène ! Il faut faire vite, réussir à capter un regard, une expression le tout en s’adaptant aux humains qui entrent dans mon champ de vision à la moindre incartade ou risque. Au moindre problème ça peut devenir catastrophique : les bouteilles sont toutes à portée du cheval et un mouvement non anticipé peut vite se transformer en catastrophe :p !
Du coté des humains c’est pareil il faut reculer quitte à se coller aux murs mais sans toucher aux bouteilles. Pour le meneur il faut ruser pour se cacher sans me gêner mais aussi sans laisser le cheval seul. Ils sont donc plusieurs à des endroits stratégique pour anticiper tout problème. Le reste de l’équipe gère les autres chevaux dehors.
Faire un shooting photo équin dans une cave à vin : verdict ?
Je reconnais cette séance se sera révélé la plus difficile que j’ai eu à faire. Le cerveau tourne à plein régime car le temps passe très vite. Entre limite de temps et limite d’espace la pression est forte, les chevaux d’un courage et d’un calme impressionnant. Fort, fiers, d’une beauté exceptionnelle et grandiloquente. Ils sont d’une élégance folle dans cet écrin fantastique. La cave à vin et le cheval : c’est grandiose.
La finalité c’est que j’ai peu d’images qui resteront. En même temps pas besoin de collectionner 50 clichés ce n’est pas l’objectif. Mais dans ce cadre restreint la place à la créativité démontre vite ses limites pour ce type de sujet. Un cheval de trait ne se peut se déplacer à outrance et je n’avais qu’un endroit précis où le placer. Mais le résultat est là : avec un peu d’audace, un peu d’idée, on obtient des images qui marquent.
Pour terminer un clap de fin sur les berges des quais de bordeaux pour shooter les équipes de Cheval des Vignes sur fond de la Cité du Vin de Bordeaux ça n’a pas de prix.
Un cheval percheron dans le Latitude 20 ça marque
Une séance qui à mon avis restera gravée dans ma mémoire et dans celle des participants à ce projet unique en son genre. Entre la séance dans la cave ou encore les quelques photos souvenirs dans la brasserie pour remercier les équipes, les photos sur les quais c’est l’occasion de remercier chacun pour avoir pris part à ce projet inhabituel.
Une séance de ce type c’est fatiguant, épuisant. Il faut être sur le qui-vive, réagir vite et s’adapter en permanence. Ici pas le temps de prendre du recul pour réfléchir et discuter : il faut agir vite. Mais c’est aussi le sel de ces aventures hors normes : mélanger l’artistique, les chevaux et des idées qui innovent et apportent de la fraicheur.
Un très grand merci à toute l’équipe du Latitude 20, à la direction de la Cité du Vin et à Cheval des vignes pour leurs participations, autorisations qui aura permis de donner vie à ces images.