Photographe équestre : professionnel, 3 ans après qu’en est-il ? Petit billet de réflexion sur un sujet peu abordé soit par volonté de ne pas dévoiler les vérités, soit par méconnaissance ou encore par peur de devoir faire face à une certaine réalité. Manque de temps aussi pour bien d’autres. Créer une entreprise est une démarche passionnante mais semée d’embûches.

Quand j’ai commencé la photographie équestre je me suis toujours posé la question : pourquoi ne pas s’installer. Trois ans après avoir enfin franchi le pas il est temps de me poser de faire le point sur la situation.

De photographe passionné à photographe professionnel

Je vois de plus en plus de jeunes photographes passionnés par la photo animalière chiens, chats et photo équestre vouloir s’installer. A l’ère de la micro entreprise les facilités d’installation remplissent les esprits de rêves. Mais pour les trois quart c’est souvent : irréfléchi, pas calculé, juste par envie d’être étiqueté « professionnel », faire de sa passion un métier. Wow c’est dur…

Dur mais réaliste. Les trois quart n’ont pas étudié le marché, la concurrence, le coût et les risques. Alors pour montrer ce qui se cache derrière le miroir je vais vous expliquer mon parcours. J’ai depuis mes débuts en photographie équestre toujours cherché à m’améliorer, à progresser.

Lorsque j’ai décidé de créer mon entreprise il faut savoir que je me suis posé la question mille fois, et que j’ai reculé mille fois. En effet c’est une lourde responsabilité. On se lance dans quelque chose qui est bien concret et qui peut vous coûter très cher.

Auto-entreprise et photographe équestre

Comme des milliers de jeunes photographes qui ont utilisé le modèle de la micro entreprise moi aussi j’ai suivi ce chemin. L’avantage : pouvoir « tester » la viabilité » de son projet sans devoir prendre trop de risques. Mais lors de cette démarche j’avais aussi : des clients, un projet défini, la certitude que cela devrait rester complémentaire et donc l’obligation de conserver un travail alimentaire à côté. Pourquoi ? Celui qui arrive à vivre essentiellement de la photographie équestre et animalière soit :

  • Il possède une clientèle solide et est placé sur un secteur très ciblé (workshop par ex)
  • Il est dans un secteur géographique où le marché est très actif (écuries, événementiel, enseignes nationale d’animaleries etc)
  • Il réalise aussi de la photo sociale traditionnelle (mariage, scolaire etc)
  • Il travaille dans une agence spécialisée (PSV, Maindru etc)
  • Il est meilleur commercial que photographe

Je me trompe ? Allez soyons honnête pas tant que ça. Quand on veut en 2019 vivre essentiellement de chevaux, de photos et d’eaux fraiche soit on a un sacré carnet d’adresse avec des entreprises de luxe, soit…

Je suis un gros lecteur, je suis, entre autre, beaucoup les réseaux sociaux qui ont supplanté les forums de discussions (oui je suis un vieux). Sur ces réseaux les groupes de discussions sont révélateurs de la situation. Parmi les futurs artistes en vue qui ont vraiment compris qu’il faut bien préparer soin projet on trouve aussi des personnes qui créent à tour de bras leur micro entreprise de photographie animalière et équestre à prix cassés. Rien n’est étudié, on se lance sans savoir, sans s’être documenté.

Je vois passer des questions sur le fonctionnement d’une entreprise qui n’ont pas lieu d’être. Trois quart des questions démontrent qu’aucune recherche documentaire n’a été faite en amont, qu’aucune étude de marché n’a été réalisée, des grilles tarifaires hallucinantes, aucune connaissance en matière de cession de droit d’auteurs.

En photo c’est encore pire : travail non abouti nécessitant encore une certaine progression pour arriver à une qualité certaine, une maîtrise encore trop balbutiante de son matériel. Comme on le dit souvent : l’auto entreprise a permis à tous les bricoleurs du monde devenir chef d’entreprise au détriment de la qualité produite mais aussi des tarifs du marché. Les photographes c’est pareil. Non ce n’est pas la généralité mais un gros pourcentage quand même. L’auto entreprise a permis aussi à des personnes de pouvoir créer et mettre en avant leur talent.

Quand à moi j’ai attendu d’arriver à une certaine maturité dans mon travail pour lancer mon entreprise. Certes j’étais loin d’être un artiste haut de gamme. J’ai attendu d’avoir un certain réseau. Je me suis documenté en amont afin de savoir où je me lançais, dans quoi : Réglementation, statuts, obligations, impôts, charges etc. J’ai étudié mes tarifs, en commençant progressivement d’une année sur l’autre à les faire évoluer.

J’ai pris en compte mes charges, mes dépenses, mon temps de travail. Je me suis en parallèle adapté au portefeuille moyen de la clientèle de mon secteur. J’ai souhaité pouvoir proposer un service de qualité tout en restant accessible. Mon travail progressant je peux alors adapter mon tarif en vertu de la qualité supplémentaire que j’apporte et la progression de mon savoir-faire. A l’heure actuelle quoique peut être certains cavaliers diront le contraire, mes tarifs sont vraiment peu élevé par rapport au temps que je consacre à chaque prestation. Et des clients m’ont confirmé ce que je pensais.

Publicité et communication

Pour pouvoir valoriser son travail et le montrer il faut être en capacité d’être un bon communicant. Soit on dédie un budget et on s’adresse à des professionnels soit on prend le risque de le faire soi-même. Mais là il faut savoir ce que l’on fait et où on met les pieds. J’ai personnellement monté mon site web seul. J’avais déjà des connaissances plus ou moins solides en la matière. Mais j’ai perdu du temps. J’ai raté, refait les choses de nombreuses fois. Internet ne pardonne pas les erreurs.

Si j’avais su faire appel à un professionnel possible que j’aurais eu de la visibilité plus tôt et plus facilement. A l’heure actuelle le temps que j’y passe est important. Mais je suis sans cesse en recherche d’amélioration. Question publicité j’ai attendu 3 années avant de me décider à en faire. Jusque-là le seul bouche à oreille a suffi à m’apporter ma clientèle.

Ne rêvons pas j’ai pour cela travaillé dur quant à la qualité de mon travail. Un travail photographique abouti permet de valoriser et de donner envie. Jusque-là seul le site et la page Facebook fonctionnaient. Depuis peu j’ai consacré une partie de mon budget pour des affiches, flyers. J’ai démarché les entreprises, les centre équestres, les cabinets vétérinaires pour présenter mon travail.

Si je devais recommencer je l’aurais fait plus tôt. J’ai trop misé sur mon réseau personnel. C’est un budget certes mais un budget qui avec l’apport de clientèle sera rentabilisé sur long ou court terme. Donc oui il faut dépenser mais pour mieux gagner, pour mieux exister. Il faut du temps pour que cela fonctionne.

Les professionnels locaux VS les professionnels nationaux

Je vais en profiter pour remettre les choses en ordre et vous prévenir où je me suis fait des idées et comment la réalité fut difficile à assumer.

Petite parenthèse au passage : travailler avec les professionnels c’est différent. Travailler avec un particulier c’est réaliser des supports visuels réservés à un cadre familial. Les pros eux on facture aussi en plus de la prestation (temps de réalisation de la commande) une cession de droits d’auteurs, ou facturer le fait de leur céder des droits durant une certaine durée leur permettant d’utiliser les photographies que vous avez réalisées à leur demande sur des supports : affiches, catalogue, presse etc.

Le droit d’auteur est un droit inaliénable, qu’on ne peut vous enlever et que vous ne pouvez céder définitivement. On « loue » vos images pour les utiliser à titre commercial. Donc quand un professionnel vient vous démarcher vous réalisez le devis avec la « main d’œuvre », mais aussi la cession de droit en fonction de ses besoins : affichage national, international, affiches, flyers, presse etc.

Concernant les professionnels locaux je suis attentif au type de clientèle. Je ne vais pas pouvoir facturer à un élevage de taille très limitée et qui a une portée minime sur son secteur le même tarif que le professionnel qui a un rayonnement international. Les budgets communication ne sont pas les mêmes. Enfin c’est ce que vous imaginez. La réalité est tout autre. Plus l’entreprise est grande voire très grande, je pense à des marques très connues du monde équestre entre autre, plus ce sera compliqué.

Attention je ne dénigre pas c’est un constat. Constat basé sur les nombre de devis renvoyé suivi d’un silence radio complet. ET LA POLITESSE BORDEL ? Quand vous passez des heures à tout préparer, les appeler, mailing etc pour que tout soit aux petits oignons et qu’en échange on obtient un gros rien et ce malgré des relances polies pour comprendre pourquoi, savoir où et comment on a pu se tromper. Et très souvent ce sont les départements com’ qui vous contactent. Ce qui vous ont vanté l’intérêt de votre travail et sa qualité etc etc.

Mais la qualité a son prix… Et oui le discours va dans les deux sens. Une entreprise qui vend des produits de qualité à un certain tarif justifié par  le savoir-faire doit aussi comprendre que cela s’applique aussi à ses prestataires. Mais comme le client ne dédie pas de budget suffisant ses équipes ne peuvent se tourner que vers le photographe qui sera meilleur marché. Pour ma part bosser 4h en amont pour préparer (téléphone, mails , visuels de démo), 8h sur place, 8h à la maison, charges et dépenses, puis voir mes photos diffusées dans le monde entier pour promouvoir une marque avec une image qui a de la valeur ça a un coût.

Et à contrario vous avez les entreprises locales qui acceptent votre devis sans trop broncher une fois que vous leur avez expliqué en quoi consiste le travail, les obligations etc. Elles ont encore conscience de la valeur du travail réalisé et de l’apport conséquent d’un photographe professionnel investi. Alors oui assumez que votre travail a une valeur.

Car si vous ne le faites pas vous serez condamné à appliquer des tarifs ridicules pour conserver votre client. Car comme vous aurez proposé un devis d’appel bas pour le séduire, « Ah oui tu te rends comptes c’est Z…, wais non faut trop que je travaille avec eux t’imagine un peu la classe ? C’est la référence ! ». En attendant Z… se fiche bien de toi et te paye une prestation à bas prix qui vaut le double ou le triple. Z possède un CA annuel qui te ferait devenir fou si tu prenais le temps de regarder avant d’envoyer ton devis….

Et oui plus c’est gros plus ça tire sur les prix. Donc arrêtez de voir des paillettes partout et soyez avant tout un comptable : votre travail doit être amorti et non pas bradé. Quand tu creuses un peu tu te rend vite compte que le budget com’ dédié aux produits pour lequel tes services de photographes sont requis est inexistant… Ou alors que dans le budget le photographe n’était même pas compté…

La presse hippique vs le photographe indépendant

La presse attention. Tous les jeunes photographes, moi compris, on pensait que travailler pour un magazine c’était la ressource assurée. Réaliser des reportages ou des photos à la demande en devenant le photographe attitré. Arrêtez de rêver la presse bosse sur commande et les photographes indépendant sont nombreux…

De plus n’oubliez pas une chose : les tarifs photo en presse généraliste comme spécialiste c’est loin d’être la panacée. Une couverture c’est 150 balles, 4 pages 250. Alors enlevez vos frais et regardez ce qu’il vous reste avant de crier « waaaaaaaaaaw je fais la couv de x magazine ». Moi aussi au début je me disais ça sera top, ça va m’assurer des contrats…. Oui et bien à ce prix-là je passe mon tour.

Je collabore avec eux de façon occasionnelle mais uniquement quand je m’y retrouve. Et wais les paillettes Kévin ça paye pas mes charges et mes dépenses d’entreprises tous les mois. Donc 250 balles pour faire 8h de route, bosser 4h sur place, bosser 4h à la maison une fois les charges déduites, le carburant et j’en passe il reste quoi ? De quoi pleurer.

Ah si il me reste mon nom crédité sur les photos. Ah mais c’est obligatoire en fait le crédit d’auteur hein ce n’est pas juste une chance… Je ne leur jette pas vraiment la pierre pour certains au vu de leur difficulté extrême à survivre. Mais ce n’est pas pour autant qu’on doit dire oui à tout.

La clientèle particulière

En attendant là où je prends mon pied c’est avec mes clients particuliers. Ils sont sympa, ils ne rechignent pas pour le tarif car ils ont conscience du travail réalisé. Et si ce n’est pas le cas un échange suffit à leur faire réaliser. Ceux qui trouvent ça trop cher abandonnent vite et je ne cours pas après. Pour certains acheter un filet à 400 euros ce n’est pas cher mais pour une séance…

Mon crédo : mon travail vous plait venez me voir, le tarif est trop élevé attendez et faites-le vous offrir. Mais ne me dites pas que je suis trop cher et que votre copine peut faire la même chose. Les gens restant sont vraiment intéressants, sont à l’écoute. Ce sont ceux qui ont encore la mesure de ce que représente une photographie. Le plaisir de faire plaisir avec des photographies esthétiques et artistique.

Certes ils ne sont pas assez nombreux pour me permettre de dégager un salaire suffisant mais au moins je travaille selon mes principes. Je suis un photographe spécialisé équestre et animalier et je le reste. Pour ceux qui n’ont vraiment pas le budget ils sont conscients. J’en souffre de ne pouvoir donner suite mais il faut aussi que je vive.

Le concours hippique

J’ai abandonné le concours pour me dédier à ce que maitrise le mieux : la photo artistique. Les terrains de concours sont concurrencés par les photographes amateurs qui vous vendent des tirages sous le manteau ou vous donnent carrément les images. Monter un stand et y passer le week-end implique non seulement un investissement ciblé comme je l’explique dans l’article concerné mais aussi la nécessité de se consacrer à des évènements très ciblés et qui vous assureront de retomber sur vos pattes.

Le petit CSO club du coin sera forcément moins rentable qu’un national sur un très gros club de la région. J’ai testé et ce qui ne m’a pas correspondu c’est de produire de l’instantané brut, à la chaine et sans recherche artistique. Les photos livrées sont sans âmes, identiques, sans recherche. On n’a pas le temps c’est impossible. Mais encore une fois et je me répète encore c’est un choix assumé. Un choix qui représente malgré tout un très gros morceau du CA d’un photographe !

Alors au bout de trois ans ?

Je vous ai dressé mon point de vue après trois années en tant que professionnel. Le secteur n’est pas plus dynamique. Encore plus miné par une concurrence à bas prix et peu qualitative de photographe généraliste près à manger à tous les râteliers. C’est aussi un réel problème d’éducation à la valeur de l’image. Dans une époque où on veut tout de suite, de façon immédiate. On consomme l’image comme on consomme un morceau de chocolat.

Ce n’est pas une généralité mais il faut absolument en prendre conscience car on va se dédier à la minorité qui est encore capable de comprendre que le travail du photographe est important et a une valeur comme tout artisanat. A refaire je ne le ferais peut être pas. Mais la vie m’oblige à le faire pour pouvoir vivre et régler mes factures. C’est aussi et ça reste encore un plaisir je vous rassure. C’est important pour continuer à mettre toute mon âme dans mes photos.

C’est aussi la foultitude de rencontres depuis trois ans de personnes passionnantes, surprenantes. J’ai commis des erreurs mais c’est normal. J’ai corrigé pour avancer. Je me suis trompé pour mieux rebondir. Je continue, à me remettre en question. Mon travail est encore loin d’avoir le niveau de qualité que je voudrais. Mais m’investir autant a donné un sens à mon travail, le respect de mes principes en photographie, en commerce, en milieu hippique.

Je ne vis pas de mon travail pour le moment et j’en suis très loin. Mais petit à petit les commandes progressent. Le bouche à oreille est plus lent qu’une communication active et ciblée mais ça m’apporte aussi des gens qui savent pourquoi ils font appel à mes services et sont conscient de mon investissement et de la qualité de mon travail. J’ai aussi la chance d’avoir ma chérie qui m’encourage et me conseille sur la partie commerciale. Elle apporte une vision plus pragmatique et plus réaliste sur ce sujet, là où je suis vraiment peu à jour.

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